Les sociologies, les économistes et les politiques sous estiment gravement et grossièrement l’acuité des inégalités aux Etats-Unis. En effet, les statistiques courantes faisant état de ces 1% qui, à eux seuls, détiennent plus du tiers de la fortune des ménages US ne semblent guère fiables. En fonction de la définition de «richesse» considérée pour établir ces statistiques, la situation est en réalité bien pire que celle admise par les experts . La quasi-totalité des économistes et des instituts «mainstream» incluent effectivement dans leurs calculs la propriété immobilière ainsi que les comptes d’épargne retraite et autres fonds vieillesse alors même qu’un nombre massif d’individus et de familles concernés par ces chiffres ne détient aucune richesse financière à proprement parler. Vivant dans leur maison ou dans leur appartement, ils contribuent à divers plans de prévoyance, sont entièrement dépendants -pour leur subsistance- de leurs salaire et n’ont donc aucune opportunité d’amasser de la fortune. La vraie !
Partant de ce constat, on imagine bien que la fracture avec les nantis en richesse financière est quasi cataclysmique dès lors que la propriété immobilière et que l’épargne retraite sont exclues de ces calculs. Les 1% deviennent dès lors détenteurs de deux-tiers des richesses financières et entrepreneuriales américaines, quand les 90% les moins fortunés ne détiennent que 6% des richesses (contre 43% selon l’autre méthode de calcul) ! Les «happy few» peuvent évidemment non seulement se payer des propriétés immobilières et cotiser à des plans vieillesse, mais ils bénéficient en outre de toutes les possibilités de se créer et de faire prospérer une vraie richesse, pour eux comme pour leur famille. Aux Etats-Unis, les très riches sont donc réellement extrêmement riches sans que nul n’ose l’évoquer publiquement, même si un gouffre gigantesque sépare ces heureux élus de l’immense majorité de la population, à savoir les 90 ou 95% restants.
Tout le monde – du politique à l’expert économique – en est pertinemment conscient mais cette fracture contre nature est sciemment passée sous silence car la richesse financière procure un pouvoir que ne confèrent évidemment pas une propriété immobilière ou un compte d’épargne retraite. Elle autorise la suffisance d’un milliardaire (Kevin O’Leary) affirmant que les inégalités sont une «nouvelle fantastique» car elles motivent «le pauvre à regarder en haut vers les 1% et à se dire : je veux faire partie de ces gens». C’est également cette richesse extrême qui fait revendiquer à un magnat des fusions-acquisitions (Tom Perkins) un droit de vote optimisant les suffrages des riches par rapport au reste de la population ! Autrement dit, un retour au bon vieux suffrage censitaire, supprimé en France en 1848. C’est à ce stade que l’on en vient à se rendre compte que Warren Buffet (qui pèse près de 90 milliards de dollars) ne plaisantait vraiment pas lorsqu’il prévenait dès 2006 – soit avant la crise – que les riches étaient en train de gagner. Dans une interview accordée à l’époque au New York Times, il reconnaissait qu’une «lutte de classes» faisait rage, tout en précisant : «c’est ma classe, les riches, qui a déclaré cette guerre et c’est elle qui est en train de la remporter» ! … avant de confirmer à la faveur de la crise financière que cette guerre avait bel et bien été gagnée : «we won» – nous avons gagné.
La méritocratie est un leurre sous le régime actuel de financiarisation des activités économiques (prof. Sergio Rossi macroéconomiste)
Extrait : « La répartition du revenu au sein des pays soi-disant «avancés» – à l’instar des États-Unis – n’a cessé de devenir de plus en plus inéquitable depuis l’avènement du capitalisme financier à la fin des années 1970 (…) La concentration des revenus aux États-Unis en ce début de siècle dépasse le pic des années 1920, qui avait induit la Grande dépression des années 1930. Or, contrairement à la période des «Trente glorieuses» années (1945–1973) qui suivirent la fin de la Deuxième guerre mondiale – lorsque les inégalités de revenu diminuèrent de manière considérable –, la période suivant l’éclatement de la crise financière globale en 2008 affiche une augmentation de ces inégalités, tant aux États-Unis qu’en Europe. Les bénéfices de la reprise économique américaine observée depuis 2009, en effet, ont été presque entièrement engrangés par le 1 pour cent des individus situés au sommet de la pyramide des revenus. Une évidence similaire est disponible pour les principaux pays de l’Union européenne selon les données du «World Top Incomes Database».
L’on pourrait croire, comme le prétendent les économistes néolibéraux, que cette inégalité croissante dans la répartition du revenu est due aux différents niveaux d’instruction des individus concernés: plus un agent économique est formé, plus celui-ci est censé gagner selon le «capital humain» qu’il a pu accumuler durant sa vie. Cette idée reçue doit être toutefois remise en question, au vu de l’évidence empirique disponible notamment aux États-Unis et dans bien des pays de la zone euro. Les personnes ayant achevé une formation de niveau universitaire ne sont pas à l’abri du spectre du chômage – surtout pour les jeunes – et n’ont que rarement le privilège de faire partie du 1 pour cent des individus au sommet de la pyramide des revenus, où l’on trouve surtout des acteurs de la finance «globalisée», même après leur sauvetage organisé par le secteur public avec l’argent de l’ensemble des contribuables.
La réduction de ces inégalités nécessite des réformes radicales afin de rétablir la méritocratie pour le bien commun. Comme l’a fait remarquer Robert Reich lors de la présentation du documentaire «Inequality for All» sorti le 27 septembre 2013 aux États-Unis, «nous devons aborder le problème de l’inégalité des revenus de six différents côtés»:
– augmenter le salaire minimum;
– renforcer les droits des travailleurs;
– investir dans l’instruction publique;
– réformer l’industrie financière;
– réparer les failles du système fiscal;
– limiter l’influence des milieux d’affaires sur les choix politiques.
La réalisation de ces réformes se heurte toutefois à un obstacle majeur qui est devenu un totem: la «pensée unique» qui domine les «sciences économiques» contemporaines (…) ».
Les économistes « mainstream » ont pris le contrôle des esprits !
Comme le macroéconomiste et professeur Nicolas Gregory Mankiw l’avait aussi diagnostiqué, sans surprise, « la théorie économique contemporaine est devenue un terrain d’affrontement entre des conceptions tellement abstraites et décalées de la réalité qu’elles n’ont plus d’influence sur le contenu des politiques économiques contemporaines ». Et, même si les électrochocs de la crise qui succéda aux événements financiers de 2006/2007 remirent en cause toutes les certitudes de la pensée théorique dominante, l’autisme référentiel reste pourtant de mise sur l’autel de la schizophrénie généralisée ; de quoi annihiler le principe même du plaisir de la Découverte résumé ainsi par le brillant scientifique français Henri Poincaré (1854-1929) pour qui : « la pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit, mais c’est cet éclair qui est tout ». Dans sa conception du plaisir de la Découverte où chaque nuit succède à une autre, aussi longue fut-elle, Henri Poincaré pose le doigt sur le renouvellement de la pensée, un pluralisme, une évolution et non une distorsion cognitive où « les erreurs systématiques maintiennent chez les sujets leurs croyances de base en dépit de la présence d’éléments concrets contradictoires », ce que les travaux du professeur et psychiatre américain, Aaron Temkin Beck, révélèrent.
En ce sens, l’économiste australien, Steve Keen, dans son ouvrage « L’imposture économique », ne postule – il pas que « les économistes sont si engagés en faveur de leur méthodologie de prédilection qu’ils ignorent ou banalisent les points où leur analyse dévoile ses plus grandes faiblesses et, pour que l’économie mérite vraiment la noble appellation de “science sociale” – réf. aux sciences molles – ces échecs devraient la conduire à abandonner cette méthodologie et à en rechercher une autre, plus solide. ». Cet économiste et directeur du département Économie, Histoire et Politique de l’université de Kingston à Londres, au fil de son ouvrage, ne déplore-t-il pas que la formation des économistes les empêche presque totalement de déceler les erreurs qui parsèment la théorie « mainstream » leur étant inculquée; puis que le système même fasse triompher cette pédagogie qu’il nomme de « paresseuse » ?
L’obscurantisme a évincé « les Lumières » et la « science économique » est devenue misère .
La construction européenne, c’est une régression sociale historique.
La construction européenne, c’est un échec total.
De plus en plus de sans-abri partout en Europe.
Selon une étude de la Fondation Abbé-Pierre et de la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, 11 millions de ménages sur 220 millions n’ont pas de logement personnel.
Paris est loin d’être la seule capitale européenne à déplorer un nombre croissant de sans-abri. La préfecture d’Ile-de-France, qui a créé le 16 mars son propre Observatoire francilien des personnes hébergées et à la rue, parvient au chiffre affolant de 100 000 personnes logées chaque soir par l’Etat, soit une augmentation de 50 % en trois ans.
La Fondation Abbé-Pierre (FAP) et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa, sise à Bruxelles) révèlent, mercredi 21 mars, leurs statistiques à l’échelle européenne : sur 220 millions de ménages, près de 11 millions sont en état de privation sévère de logement, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de domicile personnel, sont à la rue ou hébergés chez un tiers, en centre d’hébergement, en foyer, en hôtel social…
« La définition du sans-abrisme a beau ne pas être la même d’un pays à l’autre, partout en Europe les hausses sont spectaculaires », révèle Sarah Coupechoux, de la FAP : + 150 % en Allemagne, entre 2014 et 2016 ; + 145 % en Irlande, entre 2014 et 2017 ; + 169 % au Royaume-Uni entre 2010 et 2017 ; + 96 % à Bruxelles entre 2008 et 2016 ; + 20,5 % en Espagne entre 2014 et 2016 ; + 17 % en France entre 2016 et 2017, en tenant compte des 20 845 personnes qui ont demandé un hébergement au « 115 » en juin 2017 par rapport à juin 2016.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/21/de-plus-en-plus-de-sans-abri-partout-en-europe_5273875_3224.html
Vous vous rappelez toutes les belles promesses au moment du référendum sur le traité de Maastricht ?
– « Quand on dit que l’Europe de Maastricht créera des emplois, ça reste vrai. Il se trouve que le traité de Maastricht n’est pas encore appliqué. Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera, car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique. » (Jacques Attali, sur France 2, débat télévisé « Polémiques » animé par Michèle Cotta)
– « Si le traité de Maastricht était en application, finalement la Communauté européenne connaîtrait une croissance économique plus forte, donc un emploi amélioré. » (Valéry Giscard d’Estaing, 30 juillet 1992, RTL)
– « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant sur un marché de 340 millions de consommateurs, le plus grand du monde ; sur une monnaie unique, la plus forte du monde ; sur un système de sécurité sociale, le plus protecteur du monde, les entreprises pourront se développer et créer des emplois. » (Michel Sapin, 2 août 1992, Le Journal du Dimanche)
– « Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. » (Michel Rocard, 27 août 1992, Ouest-France)
– « Les droits sociaux resteront les mêmes – on conservera la Sécurité sociale –, l’Europe va tirer le progrès vers le haut. » (Pierre Bérégovoy, 30 août 1992, Antenne 2)
– « Pour la France, l’Union Economique et Monétaire, c’est la voie royale pour lutter contre le chômage. » (Michel Sapin, 11 septembre 1992, France Inter)
– « C’est principalement peut-être sur l’Europe sociale qu’on entend un certain nombre de contrevérités. Et ceux qui ont le plus à gagner de l’Europe sociale, notamment les ouvriers et les employés, sont peut-être les plus inquiets sur ces contrevérités. Comment peut-on dire que l’Europe sera moins sociale demain qu’aujourd’hui ? Alors que ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion. » (Martine Aubry, 12 septembre 1992, discours à Béthune)
– « Si aujourd’hui la banque centrale européenne existait, il est clair que les taux d’intérêt seraient moins élevés en Europe et donc que le chômage y serait moins grave. » (Jean Boissonnat, 15 septembre 1992, La Croix)